Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/267

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moi, — contre notre bonheur, — des préjugés qu’il a raillés cent fois, en ma présence… Il souffre, hélas ! et c’est tout naturel qu’il souffre… Mais il m’entendra, et je saurai le consoler… »

Elle réfléchissait, et reprenait espoir :

« Je ne vais pas tomber à ses pieds et lui demander pardon… Pardon de quoi ?… De mon silence ? Oui, peut-être… J’aurais dû me confier à lui, avant de lui laisser comprendre que je l’aimais… De ma faute ?… Non ! Si j’ai commis une faute, j’ai péché contre Pierre et non pas contre Noël… La première stupeur, la première fureur passées, mon ami sentira lui-même l’impossibilité de me condamner… »

Elle se rappela des mots de Noël :

« Pourquoi imposerais-je aux autres des vertus que je suis incapable de pratiquer ? Je ne pourrais pas rester fidèle par devoir à une femme que je n’aimerais pas d’amour… »

Elle se rappela aussi la conclusion de la Travailleuse

Condamner Josanne ?… Au nom de quoi ? Noël n’était pas chrétien : il ne considérait pas le mariage comme un sacrement et l’adultère comme un péché mortel. Il n’avait aucun respect pour la morale conventionnelle qui lui apparaissait en pleine voie de transformation. Certes, il concevait l’altruisme, la tolérance, la solidarité humaine, mais il détestait le sacrifice stérile, qui est, disait-il, une abdication, un suicide — et un encouragement à l’égoïsme d’autrui…

Josanne allait donc vers lui, dans la douleur, et non pas dans les sentiments d’une Madeleine repentante,