Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il fut malade… quand il se crut diminué, déchu… et quand il sentit mon indifférence… mes répugnances…

Elle rougit.

— Ne me faites pas raconter nos querelles, nos tristesses, son chagrin qui me rendait faible…

— Oui, dit vivement Noël, je devine, et cela me fait mal de penser à ce que vous deviez souffrir… Dites-le donc nettement : vous n’aimiez plus du tout votre mari…

— Pourquoi ? Je l’aimais beaucoup, mon pauvre Pierre, mais je ne l’aimais plus d’amour… Je m’étais mariée étourdiment, hâtivement, comme presque toutes les jeunes filles françaises… Que sait-on de l’amour, à dix-huit ans ? On aime pour aimer ; on donne son cœur au premier venu qui murmure de jolis mots, — les mots qu’on a rêvé d’entendre. Et l’on s’engage pour la vie : on signe un contrat dont on ignore la principale clause !… Et puis, on change, on s’achève… On devient une femme qui ressemble peu ou pas du tout à la jeune fille de naguère ; on se révèle à soi-même, lentement… Et pendant ce temps, le mari aussi a changé. Lui aussi a évolué, — dans un autre sens… On se regarde, un beau matin ; on ne se reconnaît plus très bien l’un l’autre, et l’on dit : « Comment ai-je pu ?… » C’est l’histoire banale et tragique de tant de mariages… Mais il s’est formé entre les époux des liens d’intérêt, d’habitude, d’affection même… Des enfants sont nés…

— Vous n’aviez pas d’enfant, vous… avant Claude…

J’avais mon mari… Un malade qu’on soigne,