Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/341

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bien… Ne me donne plus ce nom de « rebelle »… Je me suis révoltée, contre les injustices morales et matérielles, dont j’ai souffert, comme tant de femmes, et non pas contre l’amour… Moi aussi, j’avais un « idéal »…

Elle mit la main devant ses yeux. Des larmes filtraient entre ses doigts pâles et sans bagues, — ces doigts légers, industrieux, caressants, que Noël aimait.

— Josanne !

— Ah ! Noël, je pense à ma vie, à ma triste vie !… Toutes les amertumes d’autrefois me remontent à l’âme !… Qu’est-ce que je suis maintenant ?… Une femme marquée par la douleur, qu’il t’a fallu conquérir sur le passé et dont les baisers mêmes te laissent mélancolique !… Entre toi et moi, entre le bonheur et nous, il y a dix ans de ma vie, mon enfant, et ce fantôme que tu évoques malgré toi !… Oh ! pourquoi es-tu venu si tard ? Pourquoi n’ai-je pas pu t’attendre ?… Pourquoi d’autres m’ont-ils prise ?… Et je ne voulais pas renier l’ancien amour, renier le passé ! Je m’attachais à cette idée que ce que j’avais fait, j’avais le droit de le faire !… Mais je hais, je maudis, je renie tout ce qui m’a fait différente de toi, tout ce qui a arrêté mon élan vers toi, tout ce qui n’est pas toi…

Noël, la gorge serrée par l’émotion, écoutait Josanne… Et il se rappelait un temps où cette orgueilleuse répondait à la douleur de son amant par des justifications, où elle s’étonnait, où elle s’indignait presque qu’il lui demandât de « renier le passé ». Elle invoquait, alors, contre Noël la justice et la logique, et cette raison que le cœur ignore. Et c’était