Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/58

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Moi, faut que j’porte le lait et le journal à monsieur…

Josanne entre doucement dans la chambre obscure. Elle écarte les rideaux du petit lit, soulève l’enfant qui s’éveille.

— Chut ! mon trésor !… Ne pleure pas ! Sois sage !… Papa se fâcherait !

La tête aux boucles châtaines tombe sur l’épaule maternelle. Le cou frais a l’odeur des plumes de colombe. Dans la salle à manger, le grand jour éblouit Claudin. Il s’agite. Il crie :

— Je veux mon chocolat, Toué !… Je veux mon chocolat…

« Toué », c’est la Tourette.

Dans l’eau tiède, devant le feu rougissant, le beau petit corps frémit d’aise. Josanne le regarde : un enfant nerveux, pas très gras, déjà musclé sous la peau brune, un faune puéril, une statuette de Pompéi… Le visage est rond, les yeux ardoisés, les cheveux châtain sombre. Claude ressemble à sa mère. Il a de Maurice des expressions, des attitudes, le sourire, le regard, une sorte de câlinerie gracieuse ; mais Josanne lui a donné l’intelligence vive, la voix claire, l’énergie et l’ardeur du sang. Elle l’admire. Elle se rappelle le dicton populaire sur la beauté des enfants de l’amour, et elle pense :

« Mon petit Claude… mon plus grand péché !… Je n’ai pas honte de toi. Je ne peux pas regretter que tu sois au monde… »

Dans son bain, le petit s’irrite. Il réclame son chocolat. Josanne l’enveloppe de serviettes chaudes, le frictionne, nu, au creux de ses genoux. Un orgueil