Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/77

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italien. L’écriture de la suscription était haute, ferme, appuyée, et Josanne la voyait pour la première fois. L’enveloppe déchirée, elle chercha la signature et fit un « oh ! » de surprise.


» C’est à Florence, madame, et tout à fait par hasard que j’ai feuilleté, dans un salon d’hôtel, de vieux numéros du Monde féminin. Je viens de lire le charmant petit article que vous avez consacré à la Travailleuse.

» Ce gros livre, plein de chiffres et de statistiques, ne vous a pas ennuyée, puisque vous l’avez lu, et compris, et spirituellement présenté aux abonnés de votre magazine. Voilà un succès dont je ne suis pas médiocrement fier. J’ai eu des lecteurs, quelquefois ; — des lectrices, jamais. Vous êtes la première, j’en suis sûr. Et si vous n’êtes pas la dernière, mes contemporaines sauront, grâce à vous, que j’existe et que je leur veux du bien…

» Si c’est être « féministe », comme vous l’affirmez, je suis donc « féministe ». — Je n’aime pas beaucoup ce mot ; on l’a collé comme une étiquette provocatrice, sur des choses et des personnes étrangement diverses… Madame Foucart est « féministe », et chacun sait combien elle est généreuse pour ses collaboratrices ! Il était « féministe » aussi et militant, ce romancier qui réclamait la liberté de l’amour et qui battait sa femme parce qu’elle avait souri à un voisin… Il redevenait homme avec tous les instincts et tous les préjugés de l’homme.

» J’essaie d’être sans préjugés, madame Josanne, et j’ai, autant et plus que vos féministes déclarés, un