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Le Roi, réfugié à la Muette, avec quatre ou cinq familiers, ne cachait pas sa douleur. Il pleurait « la seule maîtresse qu’il eût jamais aimée », avouait-il à Mme de Séran, mais son chagrin, pour les gens de cour, n’était qu’une occasion d’intrigues. On ne plaint guère les rois qui ne plaignent guère les autres hommes. Sans amour, sans amis véritables, Louis XV retombait au vide, à l’ennui.

Depuis son enfance orpheline et sans caresses, il s’était toujours ennuyé. En vain, la nature lui avait donné un esprit droit, un jugement sain, une heureuse mémoire, un cœur qui pouvait être bon, il était comme un beau jardin mal cultivé où la terre redevient en friche, où, çà et là, quelques fleurs survivent parmi les ronces. Il aurait eu peut-être le goût de l’étude si l’on avait eu le souci de le faire étudier ; il montrait quelque curiosité des sciences, surtout de la géographie, mais il ignorait tout des arts et des lettres, et « ses idées personnelles ne s’étendaient pas au delà de sa vie privée ». Singulièrement adroit de ses mains, comme fut son petit-fils Louis XVI, il s’amusait à cuisiner, à tourner, à façonner des tabatières. Il en fit une, pour les étrennes de 1739, dont les artisans reproduisirent le modèle : un morceau de rondin couvert de son