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l’héroïsme féminin

et les courtisanes. Il aime Juliette passionnément. Il découvre les beautés de cette âme née pour l’amour et digne du plus haut amour. Elle lui a dit ses fautes. Elle est toute loyauté, avec l’humilité la plus touchante. Sa vie passée est tombée d’elle, comme une tresse de cheveux coupés. Que pourrait-il craindre, celui qui est aimé ainsi ?

Il craint tout. Il craint les pensées qui deviennent des images, et qui prennent des noms — des prénoms —. Il craint la mémoire des sens, sinon la mémoire du cœur, et ces spectres, Pradier, Séchan, Karr, Demidoff, revenants du palais enchanté où il veut être seul avec Juliette. Il ne supporte pas que sa maîtresse parle à un autre homme que lui. Il ne supporte pas qu’elle reçoive des lettres ; qu’elle en écrive, qu’elle sorte seule. Il se persuade qu’elle a mené une vie « infâme », traînée à la boue du ruisseau. Et il finit par l’en persuader elle-même. Des scènes de violence, à tout propos, éclatent. Juliette, martyrisée, se révolte. Elle essaie de s’enfuir, et elle revient. En 1834, les deux amants, à bout de forces, décident de se séparer. Juliette part pour la Bretagne. Elle va chez sa sœur