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le bonheur conjugal

sible où il est né, que cherche-t-il ici, qu’y peut-il trouver, sinon une obscure inquiétude ?

Imprudence des parents. Il fallait envoyer ces petits ménages à Paris, les jeter dans un tourbillon où ils n’auraient pas eu le loisir de regarder les autres, de comparer, de regretter.

Nous les voyons, ces jeunes couples, le jour de leur mariage, étourdis par les compliments et les baisers. Leur fatigue ressemble à l’accablement du bonheur, et les femmes mariées depuis dix ans, celles qui « savent » et n’ont pas eu le temps d’oublier, les observent avec un peu d’envie, quelquefois un peu d’aigreur, souvent un peu de pitié. Comment ne pas s’attendrir sur ces débutants, ignorants d’eux-mêmes, embarqués pour la grande aventure de la vie ? On souhaite qu’un bon vent souffle dans leurs voiles, et qu’ils abordent très tard au port tranquille de la vieillesse, après le périple ordinaire et prévu, où ils n’auront pas dû subir trop d’orages et jeter trop de leurs trésors à la mer.

On leur dit :

« Soyez heureux ! »

Et ils partent pour Venise.