Page:Tinayre - Les Lampes voilees.djvu/51

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chaque côté de la route. Elle se fie à ses pieds qui tâtent le sol, qui reconnaissent les reliefs et les dépressions ; ici les cailloux clairsemés, là une couche épaisse d’aiguilles toujours un peu mouillées et glissantes. Elle va, pareille aux chevaux fourbus qui dorment en tirant leur charrette, guidés par l’instinct plus sûr que la vue, plus impérieux que le fouet. Déjà, elle a passé le carrefour où quatre allées forestières coupent la route au même point ; et elle marche depuis si longtemps qu’elle doit être tout près du Vert-Village. Une lassitude engourdissante monte de ses pieds à ses genoux ; sa pensée vacille sous son front, au martèlement de la migraine. Elle désire la chambre chaude, la lampe, la vieille mère grondeuse. La sensation de l’insolite, une « avant-pensée » d’inquiétude s’insinue dans sa torpeur. Elle ralentit sa marche, entraînée par la déclivité imprévue, par le sournois éboulement du sable…

Où est-elle ? Comment a-t-elle pu s’égarer ? Cette forêt n’est plus sa forêt. L’instinct trompé