Page:Tinayre - Les Lampes voilees.djvu/53

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rache… Les « Violents contre eux-mêmes », ceux qui attentèrent à leur propre vie, saignent sous cette écorce déchirée, par tous leurs rameaux sensibles et souffrants. Et Laurence, ni véritablement morte, ni véritablement vivante, s’enracinera aussi dans le sable ; ses bras raidis se briseront comme des branches ; ses cheveux frémiront comme un feuillage ; sa plainte se mêlera éternellement à la plainte de la forêt…

Le cri qu’elle jette rompt l’enchantement : ses yeux se dilatent comme ceux des bêtes nocturnes qui déjouent les embûches de l’ombre : elle accueille les sensations connues : le silence, le froid, l’odeur et le goût de l’air marin, et il lui semble qu’elle ressuscite. D’un élan hardi, délivrée des ronces qui l’agrippaient, elle remonte la pente sablonneuse, à travers tous les obstacles, et déchirée, meurtrie, grelottante, se prend à rire, toute seule, nerveusement, quand elle retrouve, au carrefour, la bonne route…