Page:Tinayre - Les Lampes voilees.djvu/69

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connu, dans sa maturité magnifique, avec sa haute taille, son visage tout rasé, presque lumineux d’intelligence et qui semblait frémir sous le reflet perpétuel d’une flamme ; elle revoyait ses grands traits irréguliers, ses cheveux châtains découvrant largement le front, ses yeux qui avaient un fond doré sous leur couleur brune, sa bouche sensuelle et bonne, ses mains puissantes et pourtant fines, « mains d’artiste et d’amoureux » faites pour tenir la plume et le pinceau, pour caresser les beaux reliefs du marbre, pour manier les étoffes et les chevelures somptueuses.

Oui, la guerre avait dû le changer. En comptant les années qui s’ajoutaient maintenant à la quarantaine splendide de Pellegrin, Laurence se représentait la déchéance physique inévitable et le vieillissement du soldat surmené. Elle le plaignait parce qu’il avait souffert, mais elle ne s’attendrissait pas. Au contraire, elle ressentait, avec un peu de honte, une obscure satisfaction, comme si Dominique Pellegrin s’était rapproché d’elle.