Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
135
CHOSES ET GENS DE PROVINCE

parfois la silhouette d’une cigogne méditative. Une rivière, largement répandue dans les sables, miroite entre les bouquets de peupliers, et la plaine finit là où se dressent des montagnes bleues…

On vient de m’apprendre que ces montagnes, ce sont les Rhodopes, contreforts extrêmes des Balkans, frontières naturelles de la Bulgarie, et que cette rivière, c’est la Maritza, l’Hèbre des anciens… Je suis bien étonnée, car je ne me représentais pas ainsi le fleuve aimé des Bacchantes, celui qui roula, pêle-mêle avec des thyrses sanglants, la lyre muette et la tête morte d’Orphée… Il a, cet Hèbre antique, un faux air de notre Loire, et le paysage environnant a la douceur molle et mouillée, les rideaux de peupliers et de saules du Bas-Anjou et du Bocage.

Mais si j’ouvre la fenêtre de l’autre salon, sur la façade opposée, plus de réminiscences et de comparaisons possibles : c’est bien la Turquie, la très vieille Turquie !… Des maisons aux avant-corps saillants, toutes de guin-