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CHOSES ET GENS DE PROVINCE

marchons, Marguerite et moi, la tête penchée et les yeux fixés sur les trous, les monticules, les ornières et les aspérités du sol, posant le bout du pied sur un caillou, et puis sur un autre, comme on traverse un ruisseau encombré de pierres.

La topographie de la ville m’échappe complètement. Je n’ose lever les yeux, par une crainte bien légitime des entorses… J’entrevois les coupoles superposées, la cour, le cloître à arcades de Sultan-Sélim, et je me perds dans les ruelles déclives, bordées de maisonnettes en bois, égayées de petits jardins en terrasse et qui sentent la poussière chaude et l’acacia.

Quelques dames noires, masquées de tulle serré, glissent, furtives, le long de ces maisonnettes et se faufilent dans l’entre-bâillement imprévu d’une porte… Dans la limpide lumière du soir, entre les façades grises, le pavé gris, le ciel pur et décoloré, il n’y a que deux notes de couleurs éclatantes : la fustanelle du cavass, plissée et ballonnée, d’un blanc de lessive, et la robe verte d’une servante qui s’arrête, qui