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Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/294

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PREMIERS JOURS

La mère, flétrie et sans âge, répond en français :

— Oui, elle est gentille. Je ne pouvais la confier à personne. Alors, je l’ai amenée, avec son frère que voici. On a bien été obligé de les recevoir.

— Et le père ?

— Il est parti… C’est un musulman, mais moi je suis juive. J’ai été à l’école française. Et puis, je me suis mariée à ce Turc qui m’a laissée…

Dans le lit voisin, une négresse tient dans ses bras un nouveau-né. L’infirmière — ou plutôt la servante — prend le petit être pour me le faire admirer. Jamais encore je n’avais vu un bébé nègre âgé de neuf jours. C’est quelque chose de touchant et de comique, une espèce de poupée noire à petits cheveux frisottants, le front tatoué de bleu, les mains froides, douces, plissottées, plus pâles que le visage. Je dis à la maman :

Tchok guzel ! (Très joli.)

Mon répertoire turc est court, mais ces deux