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Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/343

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LA VIE AU HAREM

connu autrefois, dans un humble logement de la place Monge. Il publiait alors le Mechveret. Il fréquentait les cénacles positivistes. On disait de lui : « C’est un honnête homme, un patriote, un proscrit. » Il était sympathique, à cause de son exil, de sa probité, de sa pauvreté fière, de son grand air de calife philosophe ou de roi mage encore jeune. On disait aussi : « C’est un rêveur. » Et cela paraissait tout à fait charmant qu’il fût un Turc, un vrai Turc. Je me rappelle l’avoir rencontré à un bal costumé, chez un peintre. Il y avait des Turcs, à ce bal, des faux Turcs. Lui, Ahmed-Riza bey en frac, semblait le seul Parisien de toute la bande, mais, sérieux imperturbablement, il avouait l’espèce de dégoût que la danse, le décolletage et les travestissements lui inspiraient. Et alors on comprenait qu’il n’était pas Parisien du tout, mais Turc, dans le sang et dans l’âme.

Il n’est pas moins grave qu’autrefois ; il est beaucoup plus majestueux, très « Président de la Chambre », avec ses cheveux taillés en brosse, sa barbe en pointe, ses larges yeux