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LA VIE AU HAREM

c’est un vaste bouleversement de nuages, et le soleil glisse, rouge, sans irradiation, comme vu à travers la pluie de cendres d’un Vésuve.

Et quand il tombe tout à fait, quand les deux rives de la Corne d’Or s’assombrissent et que les cyprès semblent grandir jusqu’aux étoiles, il y a un instant où l’eau, ternie par le ciel terne, tout à coup s’avive… Un œil d’argent s’ouvre dans le paysage obscurci… Un instant, à peine…

Le crépuscule est là… On ne l’a pas vu venir ; il est là. Il ramène les femmes voilées à leurs petites maisons rougeâtres, et les caïques à l’embarcadère boueux de Kassim-Pacha. Un clairon déchire sa robe grise. Il est là, tout près de nous, sur nous. Il nous chasse.

« Allez-vous-en ! C’est fini… »

Et je regarde mourir doucement, si doucement qu’il m’attendrit jusqu’aux pleurs, ce soir funèbre et doux, mon dernier soir de Turquie.