Page:Tinchant - Les Fautes, Sérénités, 1888.djvu/9

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Elle ne comprit pas qu’elle avait trop attendu, qu’en face de son amour naissant agonisait l’amour de Jacques, et que leurs âmes ne se rencontreraient plus. Franche, elle avoua sa passion sans réticences, s’offrant avec des aspirations si naïves qu’elles galvanisèrent un instant les rêves de volupté morts au cœur de l’amant. Il fut sincère en la prenant, s’imaginant qu’il retrouverait auprès d’elle assez d’affection pour la rendre longtemps heureuse.

À peine sortait-elle de ses bras, alors que les affolements des premières étreintes eussent dû le laisser extasié dans cet engourdissement plein de frissons qui succède aux spasmes exaspérés, il sentit que la possession ayant en lui tué l’estime, il n’avait plus pour cette femme qui allait l’idolâtrer que le souvenir de l’avoir profondément chérie. Certes, il savait le prix de cette bonne fortune que tant d’autres lui eussent enviée. Mais de la captation lente de l’un par l’autre devait résulter autre chose qu’une liaison vulgaire formée et dénouée sans raison.

Une faiblesse lâche, la honte d’un aveu si délicat lui firent fermer les yeux au bord de l’abîme où ils se précipitaient. Et insouciamment, parmi les serments et les baisers, ils s’en allèrent vers la désespérance et la mort.

Leur lune de miel dura trois mois. Puis ce furent, comme d’usage, des froissements à propos de rien qui dégénérèrent en fâcheries, en querelles, en amertume. Dans une dernière altercation, il s’emporta jusqu’à lui manquer de respect.

Alors, elle comprit.

Le coup fut terrible pour elle, mais elle avait assez souffert de la trahison du mari pour ne pas se montrer vaillante devant l’indifférence de l’amant.

Elle se reprit tout entière, et cette fois pour la vie.