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Page:Tite Live - Histoire romaine (volume 1), traduction Nisard, 1864.djvu/35

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auparavant dans ces contrées, avait institué, d’après la coutume de son pays, cette solennité, où des jeunes gens, emportés par l’ivresse d’une joie licencieuse, couraient tout nus en l’honneur de Pan, protecteur des troupeaux, et que les Romains ont appelé depuis du nom d’Inuus. Au milieu de ces fêtes, dont la célébration avait été annoncée, surpris à l’improviste par les brigands furieux de l’enlèvement de leur butin, Romulus se défend avec vigueur, Rémus est pris ; ils livrent leur prisonnier au roi Amulius, et le noircissent à ses yeux. Ils l’accusent surtout de faire, avec son frère, des incursions sur les terres de Numitor, et d’y conduire au pillage, comme en pays ennemi, une troupe armée de jeunes vagabonds. Rémus est donc livré à la vengeance de Numitor. Dès le commencement, Faustulus s’était flatté de l’espérance que ces nourrissons étaient de sang royal ; car l’ordre donné par le roi, d’exposer des enfants nouveau-nés, était connu de lui, et l’époque où il les avait recueillis coïncidait avec cette circonstance ; mais il n’avait pas voulu révéler ce secret avant le temps, à moins que l’occasion ou la nécessité ne le fissent parler : la nécessité arriva la première. Cédant à la crainte, il dévoile à Romulus le secret de sa naissance. Le hasard avait voulu que, de son côté, Numitor, maître de la personne de Rémus, apprît que les deux frères étaient jumeaux, et qu’à leur âge, à leur noble fierté, le souvenir de ses petits-fils se réveillât dans son cœur ; à force de questions il touchait à la vérité et n’était pas loin de reconnaître Rémus. Ainsi de tous côtés un complot s’ourdit contre le roi. Romulus, trop faible pour agir à force ouverte, se garda bien de venir à la tête de ses pâtres ; il leur ordonne de se rendre au palais à une heure convenue et par des chemins différents ; là ils tombent sur le roi : à la tête des gens de Numitor, Rémus leur prête main-forte, et Amulius est massacré.

VI. À la faveur du premier trouble, Numitor va s’écriant que l’ennemi a pénétré dans la ville, qu’il assiège le palais, et il en écarte la jeunesse Albaine en l’envoyant occuper et défendre la citadelle ; puis, quand il voit les jeunes vainqueurs accourir en triomphe après ce coup de main, il convoque une assemblée, rappelle les attentats de son frère contre sa personne, l’origine de ses petits-fils, leur naissance, comment ils ont été élevés, à quels indices on les a reconnus, et il annonce la mort du tyran, et s’en déclare l’auteur. Les jeunes frères se présentent au milieu de l’assemblée à la tête de leur troupe, saluent roi leur aïeul, et la multitude entraînée lui en confirme, par d’unanimes acclamations, le titre et l’autorité. Numitor ainsi replacé sur le trône d’Albe, Romulus et Rémus conçurent l’idée de fonder une ville aux lieux témoins de leurs premiers périls et des soins donnés à leur enfance. La multitude d’habitants dont regorgeait Albe et le Latium, grossie encore du concours des bergers, faisait espérer naturellement que la nouvelle ville éclipserait Albe et Lavinium. A ces projets d’établissement vient se mêler la soif du pouvoir, mal héréditaire chez eux, et une lutte monstrueuse termine un débat assez paisible dans le principe, ils étaient jumeaux, et la prérogative de l’âge ne pouvait