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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/110

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choses de la terre, mais levaient les yeux vers le ciel, leur chère patrie, où Dieu avait préparé pour eux sa cité sainte. Ils arrivèrent enfin au port où le vaisseau les attendait. Un grand nombre d’amis qui ne pouvaient partir avec eux, avaient du moins voulu les suivre jusque là. La nuit s’écoula sans sommeil ; elle se passa en épanchements d’amitié, en pieux discours, en expressions pleines d’une véritable tendresse chrétienne. Le lendemain ils se rendirent à bord ; leurs amis voulurent encore les y accompagner ; ce fut alors qu’on ouït de profonds soupirs, qu’on vit des pleurs couler de tous les yeux, qu’on entendit de longs embrassements et d’ardentes prières dont les étrangers eux-mêmes se sentirent émus. Le signal du départ étant donné, ils tombèrent à genoux, et leur pasteur, levant au ciel des yeux pleins de larmes, les recommanda à la miséricorde du Seigneur. Ils prirent enfin congé les uns des autres, et prononcèrent cet adieu qui, pour beaucoup d’entre eux, devait être le dernier. »

Les émigrants étaient au nombre de cent cinquante à peu près, tant hommes que femmes et enfants. Leur but était de fonder une colonie sur les rives de l’Hudson ; mais, après avoir erré longtemps dans l’Océan, ils furent enfin forcés d’aborder les côtes arides de la Nouvelle-Angleterre, au lieu où s’élève aujourd’hui la ville de Plymouth. On montre encore le rocher où descendirent les pèlerins[1].

  1. Ce rocher est devenu un objet de vénération aux États-Unis. J’en ai vu des fragments conservés avec soin dans plusieurs villes de l’Union.