Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nisme à se trouver placé dans les classes moyennes ; c’est du sein des classes moyennes que sortaient la plupart des émigrants. La population de la Nouvelle-Angleterre croissait rapidement, et, tandis que la hiérarchie des rangs classait encore despotiquement les hommes dans la mère-patrie, la colonie présentait de plus en plus le spectacle nouveau d’une société homogène dans toutes ses parties. La démocratie, telle que n’avait point osé la rêver l’antiquité, s’échappait toute grande et tout armée du milieu de la vieille société féodale.

Content d’éloigner de lui des germes de troubles et des éléments de révolutions nouvelles, le gouvernement anglais voyait sans peine cette émigration nombreuse. Il la favorisait même de tout son pouvoir, et semblait s’occuper à peine de la destinée de ceux qui venaient sur le sol américain chercher un asile contre la dureté de ses lois. On eût dit qu’il regardait la Nouvelle-Angleterre comme une région livrée aux rêves de l’imagination, et qu’on devait abandonner aux libres essais des novateurs.

Les colonies anglaises, et ce fut l’une des principales causes de leur prospérité, ont toujours joui de plus de liberté intérieure et de plus d’indépendance politique que les colonies des autres peuples ; mais nulle part ce principe de liberté ne fut plus complétement appliqué que dans les États de la Nouvelle-Angleterre.

Il était alors généralement admis que les terres du Nouveau-Monde appartenaient à la nation européenne qui, la première, les avait découvertes.