Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/123

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La loi entre dans mille détails divers pour prévenir et satisfaire une foule de besoins sociaux, dont encore de nos jours on n’a qu’un sentiment confus en France.

Mais c’est par les prescriptions relatives à l’éducation publique que, dès le principe, on voit se révéler dans tout son jour le caractère original de la civilisation américaine.

« Attendu, dit la loi, que Satan, l’ennemi du genre humain, trouve dans l’ignorance des hommes ses plus puissantes armes, et qu’il importe que les lumières qu’ont apportées nos pères ne restent point ensevelies dans leur tombe ; — attendu que l’éducation des enfants est un des premiers intérêts de l’État, avec l’assistance du Seigneur…[1] » Suivent des dispositions qui créent des écoles dans toutes les communes, et obligent les habitants, sous peine de fortes amendes, à s’imposer pour les soutenir. Des écoles supérieures sont fondées de la même manière dans les districts les plus populeux. Les magistrats municipaux doivent veiller à ce que les parents envoient leurs enfants dans les écoles ; ils ont le droit de prononcer des amendes contre ceux qui s’y refusent ; et si la résistance continue, la société, se mettant alors à la place de la famille, s’empare de l’enfant, et enlève aux pères les droits que la nature leur avait donnés, mais dont ils savaient si mal user[2]. Le lecteur aura sans doute remarqué le préambule de ces ordonnances : en Amérique, c’est la religion qui mène

  1. Code of 1650, p. 96.
  2. Id., p. 83.