Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/133

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tait pas précisément aristocratique, comme on l’entend en Europe, puisqu’ils ne possédaient aucuns priviléges, et que la culture par esclaves ne leur donnait point de tenanciers, par conséquent point de patronage. Toutefois, les grands propriétaires, au sud de l’Hudson, formaient une classe supérieure, ayant des idées et des goûts à elle, et concentrant en général l’action politique dans son sein. C’était une sorte d’aristocratie peu différente de la masse du peuple dont elle embrassait facilement les passions et les intérêts, n’excitant ni l’amour ni la haine ; en somme, débile et peu vivace. Ce fut cette classe qui, dans le Sud, se mit à la tête de l’insurrection : la révolution d’Amérique lui doit ses plus grands hommes.

À cette époque, la société tout entière fut ébranlée : le peuple, au nom duquel on avait combattu, le peuple, devenu une puissance, conçut le désir d’agir par lui-même ; les instincts démocratiques s’éveillèrent ; en brisant le joug de la métropole, on prit goût à toute espèce d’indépendance : les influences individuelles cessèrent peu à peu de se faire sentir ; les habitudes comme les lois commencèrent à marcher d’accord vers le même but.

Mais ce fut la loi sur les successions qui fit faire à l’égalité son dernier pas.

Je m’étonne que les publicistes anciens et modernes n’aient pas attribué aux lois sur les successions[1] une plus

  1. J’entends par les lois sur les successions toutes les lois dont le but principal est de régler le sort des biens après la mort du propriétaire.

    La loi sur les substitutions est de ce nombre ; elle a aussi pour résul-