sa bienveillance à tout prix. Les lois les plus démocratiques furent donc votées à l’envi par les hommes dont elles froissaient le plus les intérêts. De cette manière, les hautes classes n’excitèrent point contre elles les passions populaires ; mais elles hâtèrent elles-mêmes le triomphe de l’ordre nouveau. Ainsi, chose singulière ! on vit l’élan démocratique d’autant plus irrésistible dans les États où l’aristocratie avait le plus de racines.
L’État du Maryland, qui avait été fondé par de grands seigneurs, proclama le premier le vote universel[1], et introduisit dans l’ensemble de son gouvernement les formes les plus démocratiques.
Lorsqu’un peuple commence à toucher au cens électoral, on peut prévoir qu’il arrivera, dans un délai plus ou moins long, à le faire disparaître complétement. C’est là l’une des règles les plus invariables qui régissent les sociétés. À mesure qu’on recule la limite des droits électoraux, on sent le besoin de la reculer davantage ; car, après chaque concession nouvelle, les forces de la démocratie augmentent, et ses exigences croissent avec son nouveau pouvoir. L’ambition de ceux qu’on laisse au-dessous du cens s’irrite en proportion du grand nombre de ceux qui se trouvent au-dessus. L’exception devient enfin la règle ; les concessions se succèdent sans relâche, et l’on ne s’arrête plus que quand on est arrivé au suffrage universel.
De nos jours le principe de la souveraineté du peuple
- ↑ Amendement fait à la constitution du Maryland en 1801 et 1809.