Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/168

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Les Américains s’attachent à la cité par une raison analogue à celle qui fait aimer leur pays aux habitants des montagnes. Chez eux la patrie a des traits marqués et caractéristiques ; elle a plus de physionomie qu’ailleurs.

Les communes de la Nouvelle-Angleterre ont en général une existence heureuse. Leur gouvernement est de leur goût aussi bien que de leur choix. Au sein de la paix profonde et de la prospérité matérielle qui règnent en Amérique, les organes de la vie municipale sont peu nombreux. La direction des intérêts communaux est aisée. De plus, il y a long-temps que l’éducation politique du peuple est faite, ou plutôt il est arrivé tout instruit sur le sol qu’il occupe. Dans la Nouvelle-Angleterre, la division des rangs n’existe pas même en souvenir ; il n’y a donc point de portion de la commune qui soit tentée d’opprimer l’autre, et les injustices, qui ne frappent que des individus isolés, se perdent dans le contentement général. Le gouvernement présentât-il des défauts, et certes il est facile d’en signaler, ils ne frappent point les regards, parce que le gouvernement émane réellement des gouvernés, et qu’il lui suffit de marcher tant bien que mal, pour qu’une sorte d’orgueil paternel le protège. Ils n’ont rien d’ailleurs à quoi le comparer. L’Angleterre a jadis régné sur l’ensemble des colonies, mais le peuple a toujours dirigé les affaires communales. La souveraineté du peuple dans la commune est donc non seulement un état ancien, mais un état primitif.

L’habitant de la Nouvelle-Angleterre s’attache à sa