Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/19

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qui, depuis, est resté pour eux la plus fidèle image de leur constitution.

Mais ce qui est peut-être plus digne d’admiration, parce que c’était une œuvre plus difficile et plus utile, c’est d’avoir à l’avance, au travers des images de prospérité et de puissance dont l’Union américaine présentait le magnifique spectacle, aperçu les symptômes de division et de déchirement qui pouvaient faire présager sa ruine. C’est cependant ce que Tocqueville avait entrevu avec une pénétration dont on demeure surpris, lorsqu’en présence de l’événement on lit les pages prophétiques dans lesquelles on le voit annoncé.

Quelques personnes s’imaginent peut-être que le brisement de la confédération américaine eût étonné Tocqueville. J’ose dire que cette révolution l’aurait profondément affligé mais non surpris.

Alors que cette lutte fatale n’était encore qu’imminente et prête à s’engager, un de ses amis de l’autre côté du détroit, lui ayant, dans une lettre, exprimé une certaine joie de la voir éclater et aboutir au démembrement de la confédération américaine, Tocqueville lui répond le 4 septembre 1856 :

« Je ne saurais désirer ainsi que vous ce démembrement. Un tel événement serait une grande blessure faite à l’humanité tout entière. Car il introduirait la guerre dans une grande partie de la terre où depuis près d’un siècle déjà elle est inconnue. Le moment où l’Union