Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/265

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point sur lequel sa position semble le plus se rapprocher de celle du roi en France, le président a encore plusieurs causes d’infériorité très grandes.

Le pouvoir du roi, en France, a d’abord, sur celui du président, l’avantage de la durée. Or, la durée est un des premiers éléments de la force. On n’aime et on ne craint que ce qui doit exister longtemps.

Le président des États-Unis est un magistrat élu pour quatre ans. Le roi, en France, est un chef héréditaire.

Dans l’exercice du pouvoir exécutif, le président des États-Unis est continuellement soumis à une surveillance jalouse. Il prépare les traités, mais il ne les fait pas ; il désigne aux emplois, mais il n’y nomme point[1].

Le roi de France est maître absolu dans la sphère du pouvoir exécutif.

Le président des États-Unis est responsable de ses actes. La loi française dit que la personne du roi de France est inviolable.

Cependant, au-dessus de l’un comme au-dessus de l’autre, se tient un pouvoir dirigeant, celui de l’opinion publique. Ce pouvoir est moins défini en France qu’aux États-Unis ; moins reconnu, moins formulé dans les lois ; mais de fait il y existe. En Amérique, il procède par des

  1. La constitution avait laissé douteux le point de savoir si le président était tenu à prendre l’avis du sénat, en cas de destitution comme en cas de nomination d’un fonctionnaire fédéral. Le Fédéraliste, dans son no 77, semblait établir l’affirmative ; mais en 1789, le congrès décida avec toute raison que, puisque le président était responsable, on ne pouvait le forcer de se servir d’agents qui n’avaient pas sa confiance. Voyez Kent’s Commentaries, vol. I, p. 289.