Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/29

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On sait le succès qu’ont obtenu ces deux volumes de Lettres et de Mélanges. L’un des mérites de cette publication a été de jeter sur le talent et sur le caractère de Tocqueville un jour nouveau.

Bien des gens croyaient jusqu’ici que le talent de Tocqueville, monotone de sa nature, était exclusivement celui d’un génie austère et mélancolique. On ne voyait en lui que le penseur profond, mais un peu morose, ourdissant la trame toujours serrée de ses idées dans un style toujours grave. La publication de sa correspondance et de quelques pièces fugitives a révélé dans Tocqueville tout à la fois un autre style et un autre homme. Elle a montré non-seulement que Tocqueville possédait une nouvelle supériorité dans les lettres, celle du genre épistolaire ; mais encore elle a fait voir dans l’écrivain l’homme jusqu’alors inconnu du plus grand nombre, l’homme bon, simple, naturel, accessible à toutes les impressions, prompt à ressentir toutes les joies de ce monde, sensible aux moindres comme aux plus grands intérêts de la vie.

Dès son apparition, ce livre reçut une immense publicité, à l’étranger comme en France. Une excellente traduction anglaise, due à la plume élégante d’un écrivain distingué[1], obtint en Angleterre et aux États-Unis le

  1. Le Traducteur de la correspondance de Napoléon avec le roi Joseph. Tout le monde sait que cet écrivain anonyme n’est autre que mademoiselle Senior.