Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/323

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gouvernés, les administre et les juge lui-même, comme le font les gouvernements nationaux, mais il n’agit ainsi que dans un cercle restreint. Évidemment ce n’est plus là un gouvernement fédéral, c’est un gouvernement national incomplet. Ainsi on a trouvé une forme de gouvernement qui n’était précisément ni nationale ni fédérale ; mais on s’est arrêté là, et le mot nouveau qui doit exprimer la chose nouvelle n’existe point encore.

C’est pour n’avoir pas connu cette nouvelle espèce de confédération, que toutes les Unions sont arrivées à la guerre civile, à l’asservissement, ou à l’inertie. Les peuples qui les composaient ont tous manqué de lumières pour voir le remède à leurs maux, ou de courage pour l’appliquer.

La première Union américaine était aussi tombée dans les mêmes défauts.

Mais en Amérique, les États confédérés, avant d’arriver à l’indépendance, avaient longtemps fait partie du même empire ; ils n’avaient donc point encore contracté l’habitude de se gouverner complétement eux-mêmes, et les préjugés nationaux n’avaient pu jeter de profondes racines ; plus éclairés que le reste du monde, ils étaient entre eux égaux en lumières, ils ne sentaient que faiblement les passions qui, d’ordinaire, s’opposent chez les peuples à l’extension du pouvoir fédéral, et ces passions étaient combattues par les plus grands citoyens. Les Américains, en même temps qu’ils sentirent le mal, envisagèrent avec fermeté le remède. Ils corrigèrent leurs lois et sauvèrent le pays.