Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/329

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Ceci introduit dans le monde un nouvel élément de prospérité nationale, qui est la force. Qu’importe qu’un peuple présente l’image de l’aisance et de la liberté, s’il se voit exposé chaque jour à être ravagé ou conquis ? qu’importe qu’il soit manufacturier et commerçant, si un autre domine les mers et fait la loi sur tous les marchés ? Les petites nations sont souvent misérables, non point parce qu’elles sont petites, mais parce qu’elles sont faibles ; les grandes prospèrent, non point parce qu’elles sont grandes, mais parce qu’elles sont fortes. La force est donc souvent pour les nations une des premières conditions du bonheur et même de l’existence. De là vient qu’à moins de circonstances particulières, les petits peuples finissent toujours par être réunis violemment aux grands ou par s’y réunir d’eux-mêmes. Je ne sache pas de condition plus déplorable que celle d’un peuple qui ne peut se défendre ni se suffire.

C’est pour unir les avantages divers qui résultent de la grandeur et de la petitesse des nations que le système fédératif a été créé.

Il suffit de jeter un regard sur les États-Unis d’Amérique pour apercevoir tous les biens qui découlent pour eux de l’adoption de ce système.

Chez les grandes nations centralisées, le législateur est obligé de donner aux lois un caractère uniforme que ne comporte pas la diversité des lieux et des mœurs ; n’étant jamais instruit des cas particuliers, il ne peut procéder que par des règles générales ; les hommes sont alors obligés de se plier aux nécessités de la législation,