Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/45

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Si nous en croyons M. Sainte-Beuve[1], Tocqueville parlait rarement dans le comité secret de l’Académie française. « Cependant, dit-il, je me souviens de l’y avoir entendu parler deux fois avec un talent remarquable. La première, il s’agissait d’un vote au sujet d’un ouvrage sur Poussin, qui était présenté pour l’un des prix que l’Académie décerne. M. de Tocqueville, favorable à l’auteur et au livre, en prit occasion d’exposer ses idées sur les beaux-arts et sur leur fonction dans la société. L’idée de moralité dominait sa pensée, le nom de Poussin y prêtait…

« Une autre fois il s’agissait d’un livre sur l’Organisation des Conseils du roi, dans l’ancienne France. L’ouvrage était également présenté pour l’un des prix de l’Académie, et M. de Tocqueville ne s’y opposait pas ; mais l’auteur avait, à ce qu’il paraît, parlé trop peu respectueusement de Turgot, de ce premier essai de réforme sous Louis XVI. M. de Tocqueville en prit occasion de venger la mémoire de Turgot, d’honorer son intention généreuse et celle du monarque ami du peuple ; cela le conduisit à une profession libérale des mêmes sentiments, qu’il rattachait à une grande, à une sainte, à une immortelle cause, où toutes les destinées de l’humanité étaient renfermées et comprises. Il s’animait en parlant de ces choses. Il était pénétré ; sa main tremblait

  1. Moniteur, du 7 janvier 1861.