Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 1.djvu/96

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de l’homme. Lorsqu’on creuse jusqu’au centre de ces monuments, on ne manque guère, dit-on, de rencontrer des ossements humains, des instruments étranges, des armes, des ustensiles de tous genres faits d’un métal, ou rappelant des usages ignorés des races actuelles.

Les Indiens de nos jours ne peuvent donner aucun renseignement sur l’histoire de ce peuple inconnu. Ceux qui vivaient il y a trois cents ans, lors de la découverte de l’Amérique, n’ont rien dit non plus dont on puisse inférer même une hypothèse. Les traditions, ces monuments périssables et sans cesse renaissants du monde primitif, ne fournissent aucune lumière. Là, cependant, ont vécu des milliers de nos semblables ; on ne saurait en douter. Quand y sont-ils venus, quelle a été leur origine, leur destinée, leur histoire ? quand et comment ont-ils péri ? Nul ne pourrait le dire.

Chose bizarre ! il y a des peuples qui sont si complétement disparus de la terre, que le souvenir même de leur nom s’est effacé ; leurs langues sont perdues, leur gloire s’est évanouie comme un son sans écho ; mais je ne sais s’il en est un seul qui n’ait pas au moins laissé un tombeau en mémoire de son passage. Ainsi, de tous les ouvrages de l’homme, le plus durable est encore celui qui retrace le mieux son néant et ses misères !

Quoique le vaste pays qu’on vient de décrire fût habité par de nombreuses tribus d’indigènes, on peut dire avec justice qu’à l’époque de la découverte il ne formait encore qu’un désert. Les Indiens l’occupaient, mais ne le possédaient pas. C’est par l’agriculture que l’homme