Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portion quelconque de l’Europe, exposerions-nous notre paix et notre prospérité à l’ambition, aux rivalités, aux intérêts ou aux caprices des peuples qui l’habitent ?

« Notre vraie politique est de ne contracter d’alliance permanente avec aucune nation étrangère ; autant du moins que nous sommes encore libres de ne pas le faire, car je suis bien loin de vouloir qu’on manque aux engagements existants. L’honnêteté est toujours la meilleure politique ; C’est une maxime que je tiens pour également applicable aux affaires des nations et à celles des individus. Je pense donc qu’il faut exécuter dans toute leur étendue les engagements que nous avons déjà contractés ; mais je crois inutile et imprudent d’en contracter d’autres. Plaçons-nous toujours de manière à faire respecter notre position, et des alliances temporaires suffiront pour nous permettre de faire face à tous les dangers. »

Précédemment Washington avait énoncé cette belle et juste idée : « La nation qui se livre à des sentiments habituels d’amour ou de haine envers une autre devient en quelque sorte esclave. Elle est esclave de sa haine ou de son amour. »

La conduite politique de Washington fut toujours dirigée d’après ces maximes. Il parvint à maintenir son pays en paix, lorsque tout le reste de l’univers était en guerre, et il établit comme point de doctrine que l’intérêt bien entendu des Américains était de ne jamais prendre parti dans les querelles intérieures de l’Europe.

Jefferson alla plus loin encore, et il introduisit dans