Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/279

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mais afin de se procurer les seuls objets d’échange qu’il pût nous donner[1].

Pendant que les besoins des indigènes s’accroissaient ainsi, leurs ressources ne cessaient de décroître.

Du jour où un établissement européen se forme dans le voisinage du territoire occupé par les Indiens, le gibier prend l’alarme[2]. Des milliers de sauvages, errants

  1. MM. Clark et Cass, dans leur rapport au Congrès, le 4 février 1829, p. 23, disaient :

    « Le temps est déjà bien loin de nous où les Indiens pouvaient se procurer les objets nécessaires à leur nourriture et à leurs vêtements sans recourir à l’industrie des hommes civilisés. Au-delà du Mississipi, dans un pays où l’on rencontre encore d’immenses troupeaux de buffles, habitent des tribus indiennes qui suivent ces animaux sauvages dans leurs migrations ; les Indiens dont nous parlons trouvent encore le moyen de vivre en se conformant à tous les usages de leurs pères ; mais les buffles reculent sans cesse. On ne peut plus atteindre maintenant qu’avec des fusils ou des pièges (traps) les bêtes sauvages d’une plus petite espèce, telles que l’ours, le daim, le castor, le rat musqué, qui fournissent particulièrement aux Indiens ce qui est nécessaire au soutien de la vie

    « C’est principalement au nord-ouest que les Indiens sont obligés de se livrer à des travaux excessifs pour nourrir leur famille. Souvent le chasseur consacre plusieurs jours de suite à poursuivre le gibier sans succès ; pendant ce temps, il faut que sa famille se nourrisse d’écorces et de racines, ou qu’elle périsse : aussi il y en a beaucoup qui meurent de faim chaque hiver. »

    Les Indiens ne veulent pas vivre comme les Européens : cependant ils ne peuvent se passer des Européens, ni vivre entièrement comme leurs pères. On en jugera par ce seul fait, dont je puise également la connaissance à une source officielle. Des hommes appartenant à une tribu indienne des bords du lac Supérieur avaient tué un Européen ; le gouvernement américain défendit de trafiquer avec la tribu dont les coupables faisaient partie, jusqu’à ce que ceux-ci lui eussent été livrés : ce qui eut lieu.

  2. « Il y a cinq ans, dit Volney dans son Tableau des États-Unis, p. 370, en allant de Vincennes à Kaskaskias, territoire compris aujour-