Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/285

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ils hésitent encore, on leur insinue qu’ils ne sauraient refuser le consentement qu’on leur demande, et que bientôt le gouvernement lui-même sera impuissant pour leur garantir la jouissance de leurs droits. Que faire ? À demi convaincus, à moitié contraints, les Indiens s’éloignent ; ils vont habiter de nouveaux déserts où les blancs ne les laisseront pas dix ans en paix. C’est ainsi que les Américains acquièrent à vil prix des provinces entières, que les plus riches souverains de l’Europe ne sauraient payer[1].

    sauvage : l’attente d’avantages futurs n’agit que faiblement sur lui ; il oublie facilement le passé, et ne s’occupe point de l’avenir. On demanderait en vain aux Indiens la cession d’une partie de leur territoire, si l’on n’était en état de satisfaire sur-le-champ leurs besoins. Quand on considère avec impartialité la situation dans laquelle ces malheureux se trouvent, on ne s’étonne pas de l’ardeur qu’ils mettent à obtenir quelques soulagements à leurs maux. »

  1. Le 19 mai 1830, M. Ed. Everett affirmait devant la chambre des représentants que les Américains avaient déjà acquis par traité, à l’est et à l’ouest du Mississipi, 230,000,000 d’acres.

    En 1808, les Osages cédèrent 48,000,000 d’acres pour une rente de 1,000 dollars.

    En 1818, les Quapaws cédèrent 20,000,000 d’acres pour 4,000 dollars ; ils s’étaient réservé un territoire de 1,000,000 d’acres afin d’y chasser. Il avait été solennellement juré qu’on le respecterait ; mais il n’a pas tardé à être envahi comme le reste.

    « Afin de nous approprier les terres désertes dont les Indiens réclament la propriété, disait M. Bell, rapporteur du comité des affaires indiennes au congrès, le 24 février 1810, nous avons adopté l’usage de payer aux tribus indiennes ce que vaut leur pays de chasse (hunting-ground) après que le gibier a fui ou a été détruit. Il est plus avantageux et certainement plus conforme aux règles de la justice et plus humain d’en agir ainsi, que de s’emparer à main armée du territoire des sauvages.

    « L’usage d’acheter aux Indiens leur titre de propriété n’est donc autre chose qu’un nouveau mode d’acquisition que l’humanité et l’intérêt