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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/308

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La conduite des Américains des États-Unis envers les indigènes respire au contraire le plus pur amour des formes et de la légalité. Pourvu que les Indiens demeurent dans l’état sauvage, les Américains ne se mêlent nullement de leurs affaires et les traitent en peuples indépendants ; ils ne se permettent point d’occuper leurs terres sans les avoir dûment acquises au moyen d’un contrat ; et si par hasard une nation indienne ne peut plus vivre sur son territoire, ils la prennent fraternellement par la main et la conduisent eux-mêmes mourir hors du pays de ses pères.

Les Espagnols, à l’aide de monstruosités sans exemples, en se couvrant d’une honte ineffaçable, n’ont pu parvenir à exterminer la race indienne, ni même à l’empêcher de partager leurs droits ; les Américains des États-Unis ont atteint ce double résultat avec une merveilleuse facilité, tranquillement, légalement, philanthropiquement, sans répandre de sang, sans violer un seul des grands principes de la morale[1] aux yeux du

    au moment de l’arrivée des Européens, elles auraient sans doute été détruites dans l’Amérique du Sud comme dans l’Amérique du Nord.

  1. Voyez entre autres le rapport fait par M. Bell au nom du comité des Affaires indiennes, le 24 février 1830, dans lequel on établit, p. 5, par des raisons très logiques, et où l’on prouve fort doctement que : « The fundamental principle, that the Indians had no right by virtue of their ancient possession either of soil, or sovereignty, has never been abandoned expressly or by implication. » C’est-à-dire que « les Indiens, en vertu de leur ancienne possession, n’ont acquis expressément aucun droit de propriété ni de souveraineté, principe fondamental qui n’a jamais été abandonné, ni expressément, ni tacitement. »

    En lisant ce rapport, rédigé d’ailleurs par une main habile, on est étonné de la facilité et de l’aisance avec lesquelles, dès les premiers mots,