Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/325

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-Unis, on voyait l’esclavage reculer peu à peu devant les lumières de l’expérience.

La servitude avait commencé au Sud et s’était ensuite étendue vers le Nord, aujourd’hui elle se retire. La liberté, partie du Nord, descend sans s’arrêter vers le Sud. Parmi les grands États, la Pennsylvanie forme aujourd’hui l’extrême limite de l’esclavage vers le Nord, mais dans ces limites mêmes il est ébranlé ; le Maryland, qui est immédiatement au-dessous de la Pennsylvanie, se prépare chaque jour à s’en passer, et déjà la Virginie, qui suit le Maryland, discute son utilité et ses dangers[1].

Il ne se fait pas un grand changement dans les institutions humaines sans qu’au milieu des causes de ce changement on ne découvre la loi des successions.

Lorsque l’inégalité des partages régnait au Sud, chaque famille était représentée par un homme riche qui ne sentait pas plus le besoin que le goût du travail ; autour de lui vivaient de la même manière, comme autant de plantes parasites, les membres de sa famille que la loi avait exclus de l’héritage commun ; on voyait

  1. Il y a une raison particulière qui achève de détacher de la cause de l’esclavage les deux derniers États que je viens de nommer.

    L’ancienne richesse de cette partie de l’Union était principalement fondée sur la culture du tabac. Les esclaves sont particulièrement appropriés à cette culture : or, il arrive que depuis bien des années le tabac perd de sa valeur vénale ; cependant la valeur des esclaves reste toujours la même. Ainsi le rapport entre les frais de production et les produits est changé. Les habitants du Maryland et de la Virginie se sentent donc plus disposés qu’ils ne l’étaient il y a trente ans, soit à se passer d’esclaves dans la culture du tabac, soit à abandonner en même temps la culture du tabac et l’esclavage.