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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/102

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Je suppose un peuple aristocratique chez lequel on cultive les lettres ; les travaux de l’intelligence, de même que les affaires du gouvernement, y sont réglés par une classe souveraine. La vie littéraire, comme l’existence politique, est presque entièrement concentrée dans cette classe ou dans celles qui l’avoisinent le plus près. Ceci me suffit pour avoir la clé de tout le reste.

Lorsqu’un petit nombre d’hommes, toujours les mêmes, s’occupent en même temps des mêmes objets, ils s’entendent aisément, et arrêtent en commun certaines règles principales qui doivent diriger chacun d’eux. Si l’objet qui attire l’attention de ces hommes est la littérature, les travaux de l’esprit seront bientôt soumis par eux à quelques lois précises dont il ne sera plus permis de s’écarter.

Si ces hommes occupent dans le pays une position héréditaire ils seront naturellement enclins non-seulement à adopter pour eux-mêmes un certain nombre de règles fixes, mais à suivre celles que s’étaient imposées leurs aïeux ; leur législation sera tout à la fois rigoureuse et traditionnelle.

Comme ils ne sont point nécessairement préoccupés des choses matérielles, qu’ils ne l’ont jamais été, et que leurs pères ne l’étaient pas davantage, ils ont pu s’intéresser, pendant plusieurs générations, aux travaux de l’esprit. Ils ont compris l’art littéraire et ils finissent par l’aimer pour lui-même et par goûter un plaisir savant à voir qu’on s’y conforme.

Ce n’est pas tout encore : les hommes dont je parle ont