Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/189

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Un gouvernement pourrait tenir lieu de quelques unes des plus grandes associations américaines, et, dans le sein de l’Union, plusieurs États particuliers l’ont déjà tenté. Mais quel pouvoir politique serait jamais en état de suffire à la multitude innombrable de petites entreprises que les citoyens américains exécutent tous les jours à l’aide de l’association ?

Il est facile de prévoir que le temps approche où l’homme sera de moins en moins en état de produire par lui seul les choses les plus communes et les plus nécessaires à sa vie. La tâche du pouvoir social s’accroîtra donc sans cesse, et ses efforts mêmes la rendront chaque jour plus vaste. Plus il se mettra à la place des associations, et plus les particuliers, perdant l’idée de s’associer, auront besoin qu’ils viennent à leur aide : ce sont des causes et des effets qui s’engendrent sans repos. L’administration publique finira-t-elle par diriger toutes les industries auxquelles un citoyen isolé ne peut suffire ? et s’il arrive enfin un moment où, par une conséquence de l’extrême division de la propriété foncière, la terre se trouve partagée à l’infini, de sorte qu’elle ne puisse plus être cultivée que par des associations de laboureurs, faudra-t-il que le chef du gouvernement quitte le timon de l’État pour venir tenir la charrue ?

La morale et l’intelligence d’un peuple démocratique ne courraient pas de moindres dangers que son négoce et son industrie, si le gouvernement venait y prendre partout la place des associations.

Les sentiments et les idées ne se renouvellent, le