Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/243

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chantes de la grandeur et de la bonté du Créateur, de la magnificence infinie des œuvres de Dieu, de la haute destinée réservée aux hommes, de leurs devoirs et de leurs droits à l’immortalité.

C’est ainsi que, de temps en temps, l’Américain se dérobe en quelque sorte à lui-même, et que, s’arrachant pour un moment aux petites passions qui agitent sa vie et aux intérêts passagers qui la remplissent, il pénètre tout à coup dans un monde idéal où tout est grand, pur, éternel.

J’ai recherché dans un autre endroit de cet ouvrage, les causes auxquelles il fallait attribuer le maintien des institutions politiques des Américains, et la religion m’a paru l’une des principales. Aujourd’hui que je m’occupe des individus, je la retrouve et j’aperçois qu’elle n’est pas moins utile à chaque citoyen qu’à tout l’État.

Les Américains montrent, par leur pratique, qu’ils sentent toute la nécessité de moraliser la démocratie par la religion. Ce qu’ils pensent à cet égard sur eux-mêmes est une vérité dont toute nation démocratique doit être pénétrée.

Je ne doute point que la constitution sociale et politique d’un peuple ne le dispose à certaines croyances, et à certains goûts dans lesquels il abonde ensuite sans peine ; tandis que ces mêmes causes l’écartent de certaines opinions et de certains penchants, sans qu’il y travaille de lui-même, et pour ainsi dire sans qu’il s’en doute.

Tout l’art du législateur consiste à bien discerner