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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/341

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cette ardeur naturelle peut toujours être excitée ou contenue par l’état social et les institutions politiques.

Quoique les voyageurs qui ont visité l’Amérique du Nord diffèrent entre eux sur plusieurs points, ils s’accordent tous à remarquer que les mœurs y sont infiniment plus sévères que partout ailleurs.

Il est évident que, sur ce point, les Américains sont très-supérieurs à leurs pères les Anglais. Une vue superficielle des deux nations suffit pour le montrer.

En Angleterre, comme dans toutes les autres contrées de l’Europe, la malignité publique s’exerce sans cesse sur les faiblesses des femmes. On entend souvent les philosophes et les hommes d’État s’y plaindre de ce que les mœurs ne sont pas assez régulières, et la littérature le fait supposer tous les jours.

En Amérique tous les livres, sans en excepter les romans, supposent les femmes chastes, et personne n’y raconte d’aventures galantes.

Cette grande régularité des mœurs américaines tient sans doute en partie au pays, à la race, à la religion. Mais toutes ces causes, qui se rencontrent ailleurs, ne suffisent pas encore pour l’expliquer. Il faut pour cela recourir à quelque raison particulière.

Cette raison me paraît être l’égalité et les institutions qui en découlent.

L’égalité des conditions ne produit pas à elle seule la régularité des mœurs ; mais on ne saurait douter qu’elle ne la facilite et ne l’augmente.

Chez les peuples aristocratiques la naissance et la