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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/427

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Je ne prétends point que les hommes qui vivent dans les sociétés démocratiques soient naturellement immobiles ; je pense, au contraire, qu'il règne au sein d'une pareille société un mouvement éternel, et que personne n'y connaît le repos ; mais je crois que les hommes s'y agitent entre de certaines limites qu'ils ne dépassent guère. Ils varient, altèrent ou renouvellent chaque jour les choses secondaires ; ils ont grand soin de ne pas toucher aux principales. Ils aiment le changement ; mais ils redoutent les révolutions.

Quoique les Américains modifient ou abrogent sans cesse quelques-unes de leurs lois, ils sont bien loin de faire voir des passions révolutionnaires. Il est facile de découvrir, à la promptitude avec laquelle ils s'arrêtent et se calment lorsque l'agitation publique commence à devenir menaçante et au moment même où les passions semblent le plus excitées, qu'ils redoutent une révolution comme le plus grand des malheurs, et que chacun d'entre eux est résolu intérieurement à faire de grands sacrifices pour l'éviter. Il n'y a pas de pays au monde où le sentiment de la propriété se montre plus actif et plus inquiet qu'aux États-Unis, et où la majorité témoigne moins de penchants pour les doctrines qui menacent d'altérer d'une manière quelconque la constitution des biens.

J'ai souvent remarqué que les théories qui sont révolutionnaires de leur nature, en ce qu'elles ne peuvent se réaliser que par un changement complet et quelquefois subit dans l'état de la propriété et des personnes, sont