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CHAPITRE XXV


DE LA DISCIPLINE DANS LES ARMÉES DÉMOCRATIQUES.


C’est une opinion fort répandue, surtout parmi les peuples aristocratiques, que la grande égalité sociale qui règne au sein des démocraties y rend à la longue le soldat indépendant de l’officier, et y détruit ainsi le lien de la discipline.

C’est une erreur. Il y a en effet deux espèces de discipline qu’il ne faut pas confondre.

Quand l’officier est le noble et le soldat le serf ; l’un le riche, et l’autre le pauvre ; que le premier est éclairé et fort, et le second, ignorant et faible, il est facile d’établir entre ces deux hommes le lien le plus étroit d’obéissance. Le soldat est plié à la discipline militaire avant, pour ainsi dire, que d’entrer dans l’armée, ou plutôt la discipline militaire n’est qu’un perfectionnement de la servitude sociale. Dans les armées aristocratiques, le soldat arrive assez aisément à être comme insensible à toutes choses, excepté à l’ordre de ses chefs.