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CHAPITRE XXVI


QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA GUERRE DANS LES SOCIÉTÉS DÉMOCRATIQUES.


Lorsque le principe de l’égalité ne se développe pas seulement chez une nation, mais en même temps chez plusieurs peuples voisins, ainsi que cela se voit de nos jours en Europe, les hommes qui habitent ces pays divers, malgré la disparité des langues, des usages et des lois, se ressemblent toutefois en ce point, qu’ils redoutent également la guerre, et conçoivent pour la paix un même amour[1]. En vain, l’ambition ou la colère arme les princes, une sorte d’apathie et de bienveillance universelle les apaise en dépit d’eux-mêmes, et leur fait tomber l’épée des mains : les guerres deviennent plus rares.

  1. La crainte que les peuples européens montrent de la guerre ne tient pas seulement au progrès qu'a fait chez eux l'égalité ; je n'ai pas besoin, je pense, de le faire remarquer au lecteur. Indépendamment de cette cause permanente, il y en a plusieurs accidentelles qui sont très-puissantes. Je citerai, avant toutes les autres, la lassitude extrême que les guerres de la révolution et de l'empire ont laissée.