Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/477

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avait ouvert cette route. Il est permis de croire que, si cet homme extraordinaire fût né il y a trois cents ans, il n'eût pas retiré les mêmes fruits de sa méthode, ou plutôt il aurait eu une autre méthode.

Je n'ajouterai plus qu'un mot relatif aux guerres civiles, car je crains de fatiguer la patience du lecteur.

La plupart des choses que j'ai dites à propos des guerres étrangères, s'applique à plus forte raison aux guerres civiles. Les hommes qui vivent dans les pays démocratiques n'ont pas naturellement l'esprit militaire : ils le prennent quelquefois lorsqu'on les a entraînés malgré eux sur les champs de bataille ; mais se lever en masse de soi-même et s'exposer volontairement aux misères que la guerre et surtout que la guerre civile entraîne, c'est un parti auquel l'homme des démocraties ne se résout point. Il n'y a que les citoyens les plus aventureux qui consentent à se jeter dans un semblable hasard ; la masse de la population demeure immobile.

Alors même qu'elle voudrait agir, elle n'y parviendrait pas aisément ; car elle ne trouve pas dans son sein d'influences anciennes et bien établies auxquelles elle veuille se soumettre, point de chefs déjà connus pour rassembler les mécontents, les régler et les conduire ; point de pouvoirs politiques placés au-dessous du pouvoir national, et qui viennent appuyer efficacement la résistance qu'on lui oppose.

Dans les contrées démocratiques, la puissance morale de