L’idée de pouvoirs secondaires, placés entre le souverain et les sujets, se présentait naturellement à l’imagination des peuples aristocratiques, parce qu’ils renfermaient dans leur sein des individus ou des familles que la naissance, les lumières, les richesses, tenaient hors de pair, et semblaient destiner à commander. Cette même idée est naturellement absente de l’esprit des hommes dans les siècles d’égalité par des raisons contraires ; on ne peut l’y introduire qu’artificiellement, et on ne l’y retient qu’avec peine ; tandis qu’ils conçoivent, pour ainsi dire sans y penser, l’idée d’un pouvoir unique et central qui mène tous les citoyens par lui-même.
En politique, d’ailleurs, comme en philosophie et en religion, l’intelligence des peuples démocratiques reçoit avec délices les idées simples et générales. Les systèmes compliqués la repoussent, et elle se plaît à imaginer une grande nation dont tous les citoyens ressemblent à un seul modèle et sont dirigés par un seul pouvoir.