Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/49

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des Césars. Les hommes qui composaient cette multitude différaient beaucoup les uns des autres ; mais ils avaient cependant ce point commun qu’ils obéissaient tous aux mêmes lois ; et chacun d’eux était si faible et si petit par rapport à la grandeur du prince, qu’ils paraissaient tous égaux quand on venait à les comparer à lui.

Il faut reconnaître que cet état nouveau et particulier de l’humanité dut disposer les hommes à recevoir les vérités générales que le christianisme enseigne, et sert à expliquer la manière facile et rapide avec laquelle il pénétra alors dans l’esprit humain.

La contre-épreuve se fit après la destruction de l’Empire.

Le monde romain s’étant alors brisé, pour ainsi dire, en mille éclats, chaque nation en revint à son individualité première. Bientôt, dans l’intérieur de ces mêmes nations, les rangs se graduèrent à l’infini ; les races se marquèrent ; les castes partagèrent chaque nation en plusieurs peuples. Au milieu de cet effort commun qui semblait porter les sociétés humaines à se subdiviser elles-mêmes en autant de fragments qu’il était possible de le concevoir, le christianisme ne perdit point de vue les principales idées générales qu’il avait mises en lumière. Mais il parut néanmoins se prêter, autant qu’il était en lui, aux tendances nouvelles que le fractionnement de l’espèce humaine faisait naître. Les hommes continuèrent à n’adorer qu’un seul Dieu créateur et conservateur de toutes choses ; mais chaque peuple,