Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/519

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qu’elle est plus démocratique, les particuliers éprouvent plus de difficulté à exécuter de pareils travaux, et l’État plus de facilité à les faire. Je ne crains pas d’affirmer que la tendance manifeste de tous les souverains de notre temps est de se charger seuls de l’exécution de pareilles entreprises ; par là, ils resserrent chaque jour les populations dans une plus étroite dépendance.

D’autre part, à mesure que la puissance de l’État s’accroît, et que ses besoins augmentent, il consomme lui-même une quantité toujours plus grande de produits industriels, qu’il fabrique d’ordinaire dans ses arsenaux et ses manufactures. C’est ainsi que, dans chaque royaume, le souverain devient le plus grand des industriels ; il attire et retient à son service un nombre prodigieux d’ingénieurs, d’architectes, de mécaniciens, et d’artisans.

Il n’est pas seulement le premier des industriels, il tend de plus en plus à se rendre le chef ou plutôt le maître de tous les autres.

Comme les citoyens sont devenus plus faibles en devenant plus égaux, ils ne peuvent rien faire en industrie sans s’associer ; or, la puissance publique veut naturellement placer ces associations sous son contrôle.

Il faut reconnaître que ces sortes d’êtres collectifs qu’on nomme associations, sont plus forts et plus redoutables qu’un simple individu ne saurait l’être, et qu’ils ont moins que ceux-ci la responsabilité de leurs propres actes, d’où il résulte qu’il semble raisonnable de laisser à chacune d’elles une indépendance moins grande de