Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/58

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tholicisme intérieurement, il semble perdre ; si on regarde hors de lui, il gagne. Cela s’explique.

Les hommes de nos jours sont naturellement peu disposés à croire ; mais, dès qu’ils ont une religion, ils rencontrent aussitôt en eux-mêmes un instinct caché qui les pousse à leur insu vers le catholicisme. Plusieurs des doctrines et des usages de l’Église romaine les étonnent : mais ils éprouvent une admiration secrète pour son gouvernement, et sa grande unité les attire.

Si le catholicisme parvenait enfin à se soustraire aux haines politiques qu’il a fait naître, je ne doute presque point que ce même esprit du siècle, qui lui semble si contraire, ne lui devînt très-favorable, et qu’il ne fît tout à coup de grandes conquêtes.

C’est une des faiblesses les plus familières à l’intelligence humaine, de vouloir concilier des principes contraires et d’acheter la paix aux dépens de la logique. Il y a donc toujours eu et il y aura toujours des hommes qui, après avoir soumis à une autorité quelques unes de leurs croyances religieuses, voudront lui en soustraire plusieurs autres, et laisseront flotter leur esprit au hasard entre l’obéissance et la liberté. Mais je suis porté à croire que le nombre de ceux-là sera moins grand dans les siècles démocratiques que dans les autres siècles, et que nos neveux tendront de plus en plus à ne se diviser qu’en deux parts, les uns sortant entièrement du christianisme, et les autres entrant dans le sein de l’Église romaine.