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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/93

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et des institutions démocratiques soit de diminuer le nombre des hommes qui cultivent les beaux-arts ; mais ces causes influent puissamment sur la manière dont ils sont cultivés. La plupart de ceux qui avaient déjà contracté le goût des beaux-arts devenant pauvres, et, d’un autre côté, beaucoup de ceux qui ne sont pas encore riches commençant à concevoir, par imitation, le goût des beaux-arts, la quantité des consommateurs en général s’accroît, et les consommateurs très-riches et très-fins, deviennent plus rares. Il se passe alors dans les beaux-arts quelque chose d’analogue à ce que j’ai déjà fait voir quand j’ai parlé des arts utiles. Ils multiplient leurs œuvres et diminuent le mérite de chacune d’elles.

Ne pouvant plus viser au grand, on cherche l’élégant et le joli ; on tend moins à la réalité qu’à l’apparence.

Dans les aristocraties on fait quelques grands tableaux, et, dans les pays démocratiques, une multitude de petites peintures. Dans les premières on élève des statues de bronze, et dans les seconds on coule des statues de plâtre.

Lorsque j’arrivai pour la première fois à New-York par cette partie de l’océan Atlantique qu’on nomme la rivière de l’Est, je fus surpris d’apercevoir, le long du rivage, à quelque distance de la ville, un certain nombre de petits palais de marbre blanc, dont plusieurs avaient une architecture antique ; le lendemain, ayant été pour considérer de plus près celui qui avait particulièrement attiré mes regards, je trouvai que ses murs étaient de briques blanchies et ses colonnes de bois peint. Il en était de