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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/96

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CHAPITRE XII


POURQUOI LES AMÉRICAINS ÉLÈVENT EN MÊME TEMPS DE SI PETITS ET DE SI GRANDS MONUMENTS.


Je viens de dire que, dans les siècles démocratiques, les monuments des arts tendaient à devenir plus nombreux et moins grands. Je me hâte d’indiquer moi-même l’exception à cette règle.

Chez les peuples démocratiques, les individus sont très-faibles ; mais l’État qui les représente tous, et les tient tous dans sa main, est très-fort. Nulle part les citoyens ne paraissent plus petits que dans une nation démocratique. Nulle part la nation elle-même ne semble plus grande et l’esprit ne s’en fait plus aisément un vaste tableau. Dans les sociétés démocratiques, l’imagination des hommes se resserre quand ils songent à eux-mêmes ; elle s’étend indéfiniment quand ils pensent à l’État. Il arrive de là que les mêmes hommes qui vivent petitement dans d’étroites demeures, visent souvent au gigantesque dès qu’il s’agit des monuments publics.

Les Américains ont placé sur le lieu dont ils voulaient faire leur capitale, l’enceinte d’une ville immense qui